lundi 11 février 2013

Formation aux transitions corporelles et aux ateliers thérapeutiques contemporains



La proposition consiste en une journée d'introduction à la patho-analyse à transitions corporelles et  une expérience d'immersion dans les ateliers thérapeutiques contemporains.
Cette journée est destinée aux professionnels de la santé mentale travaillant avec des adultes qui se sentent mal dans leur peau, leur corps et leurs relations. Elle se réalise en groupe restreint de six à dix personnes. Elle est également accessible aux différentes écoles de formation à la psychothérapie (troisième cycle), qui souhaiteraient donner un complément d'approche thérapeutique centrée sur le corps.

Les Ateliers Thérapeutiques Contemporains (http://atelierstherapeutiquescontemporains.blogspot.com) utilisent des techniques de travail corporel comme le rebirth, les techniques de relaxation, de méditation, le travail postural, des exercices biuoénergétiques, le tai chi chuan, mais aussi des propositions émanant de la danse contemporaine, comme le contact-improvisation, le butoh, la course de lenteur, le bas-relief qui prend vie (Cie Mossoux-Bonté), le banc de poissons (Lydie Pire), la Meute (Nadia Vadori-Gauthier), le cocktail burlesque, le défilé haute-couture, la mue, les fils imaginaires...
Danse et théâtre contemporains, art et video-performances (Faye Mullen, Sarah Small, Sigalit Landau et Regina Jose Galindo) sont une source inépuisable d'inspiration et rendent possible des prises de corps et des venues-en-présence inédites et insoupçonnées.

Contact : Michel Galasse - Psychologue clinicien et Patho-analyste à Transitions Corporelles - 0495/350794

dimanche 21 octobre 2012

Faye Mullen, vers une esthétique de la disparition

Faye Mullen, une jeune artiste canadienne installée à Toronto, se propose "en chair et en os" au travers de vidéos-performances. Elle y explore sensoriellement la présence et l'absence, ou plutôt le cri de la venue-en-présence et la disparition en douceur, la résorption de l'être, dans une sorte d'érotique de la mort. Elle s'immerge totalement dans un bain lacté, y fait l'expérience du "Fort-da", de l'apparaitre et du disparaitre. Dans un champ de blé, elle apparait lentement puis disparait. Nue à même le sol d'un terrain agricole, un voile vient très...très lentement la recouvrir, puis repart au vent tout aussi lentement pour la découvrir à nouveau. Il s'agit essentiellement d'une exploration phénoménologique des transitions, toute en lenteur et subtilité, dans un art dont l'artiste ressort transformée. Nous sommes dans la même veine que Ulrike Bolenz, Sarah Small et Nadia Vadori-Gauthier. Transformer l'être, jouïr en personne du passage, de l'éphémère. Prendre le temps de la porosité, différer de soi-même et traverser les membranes, écrit Nadia Vadori-Gauthier avec son exploration de la Meute dans l'espace public, combiner des éléments à priori paradoxaux et imaginer des situations troublantes, propose Sarah Small dans ses Tableaux Vivants, peindre la fin de l'artiste, mais une fin dans la délectation de la chute, montre Ulrike Bolenz.
 
N'hésitez pas à parcourir le site de Faye Mullen
 
 

jeudi 5 avril 2012

La matière du Geste

Dans les Ateliers du Geste, les récentes propositions de travail vont vers l'exploration de la matière gestuelle, à partir de la lenteur (présente dans des pratiques comme le Tai Chi Chuan et le Butoh), du souffle (infuser le corps du sommet du crâne aux bouts des orteils), du contact (contact avec le sol, l'air, les autres corps, les murs), de la musique (par exemple la bande-son du Grand Fridge que m'a si aimablement procuré Patrick Bonté).
Chaque participante se livre entièrement à la proposition, qu'il s'agisse de fouler le sol, d'émerger du mur tel un bas-relief qui prend vie, du contact-improvisation, du passage du cocon à une verticalité sùre, voire de l'expérience de la mue.
Au fil des Ateliers, les corps se dénouent, s'ouvrent, s'osent, se déploient, enformant progressivement le désir de vie de chacune. Les participantes s'émeuvent, revisitent des émotions difficiles et les traitent par la matière du geste. Parfois, elles explorent cet au-delà d'elles-mêmes et toujours elles témoignent de ces passages par l'origine. Peu à peu, je vois apparaitre ces femmes-libellules de Ulrike Bolenz, qui sortent du repli, déplient leurs ailes, pour bientôt s'envoler vers d'autres horizons.



vendredi 27 janvier 2012

Sortie librairie le 20 février 2012


http://www.piktos.fr/prd_fiche-lg1.php?&motsCles=galasse&edition-nom=dangles&livre=20921

Mouvement et travail corporel en psychanalyse. Les corps analystes, le second ouvrage de Michel Galasse, parait dans la nouvelle collection "Psychothérapie et Psychanalyse intégrative" aux Editions Dangles (Groupe Piktos), ce 20 février 2012. Il se vend au prix de 22 euros.

Si vous êtes clinicien(ne), analysant(e), ou un humain intéressé par la transformation thérapeutique, vous y trouverez des Corps flottants qui deviennent des Corps analystes. Vous y trouverez une intégration de la psychanalyse, des techniques corporelles et des arts contemporains. Vous y trouverez des transitions corporelles originales intégrées au dispositif freudo-ferenczien et szondien, des transitions frontalières, des propositions pour les Ateliers du Geste (thérapie de groupe contemporaine). Vous découvrirez les oeuvres de Ulrike Bolenz, photoplasticienne belgo-allemande.
Vous y lirez une préface de Geneviève Liénard (co-fondatrice de l'école belge de somatanalyse) et une postface du Professeur Jean Kinable (Professeur émérite de l'université catholique de Louvain).

Ce second ouvrage fait suite à un premier livre paru chez Fabert, collection "Psychothérapies créatives", en 2008. Il s'intitulait "Les transitions corporelles dans l'analyse". Il est encore disponible au prix de 25 euros. Ce second ouvrage est plus clinique et intéressera de nombreux lecteurs.

Voici la table des matières, suivie de quelques extraits choisis.
Prélude - Perspectives pour la somatanalyse, par Geneviève Liénard
Liminaire - Oser le contact et le mouvement
1.        Dans le vif du sujet
Marie-Cécile, de l’art des sens aux sens de l’art
2.        Les co(rps)-analysants
Le travail de la membrane, avec Emilie
3.        La mère dans le transfert
Le pouvoir de l’éphémère avec Donatienne et Sofia
4.        Les transgressions créatives
Régression, transgression, progression de cinq analysantes
5.        Les Ateliers du Geste, une thérapie de groupe contemporaine
Quand ça transe-forme la peur d’être
6.        Ulrike Bolenz et les transitions frontalières
L’expérience limite d’Isaline
7.        Le circuit du déploiement transpersonnel
Feeling, moving, acting and creating-through

Dernière note - Trans(e)passer
 Postface. Au vif des polyphonies « âme-corps », par Jean Kinable

Extrait de la préface de Geneviève Liénard

"Peut-on être un bon analyste si on reste coincé dans ses croyances, ses habitudes, ses peurs et ses défenses ? Peut-on alors comme il se doit accompagner le patient là où il va, être à l’écoute de son langage propre ? Que se passe-t-il alors si le patient ne trouve pas les mots pour exprimer ce qu’il a à signifier ?
Michel Galasse lève pour nous ici un pan de sa pratique, il ose exposer sa clinique au risque de se faire critiquer par les « purs », par les psychanalystes qui en sont restés à l’abstinence défensive… Il ose s’avancer en chemin découvert et nous faire partager ses recherches.
Et il a raison car il n’y a, pour aller à la rencontre de certains patients, que la possibilité d’emprunter des chemins nouveaux, peut-être non conformistes, mais qui dit qu’il faut toujours rester orthodoxe ?
.
Extrait de la postface du Professeur Jean Kinable:

"L’originalité des études proposées ici, menées sous une inspiration très personnelle, propre à l’auteur (sans parler de l’art unique du praticien), consiste notamment à provoquer ainsi, entre ces courants de pensée divers, des rencontres éloquentes, inédites, étonnantes, tout en renforçant leur capacité à traiter théoriquement et thérapeutiquement d’enjeux cliniques qui, trop souvent, échappent ou résistent à de telles élaborations".




dimanche 4 décembre 2011

Note de lecture de Joël Clerget sur "Les transitions corporelles dans l'analyse" paru en 2008 chez Fabert






L’idée même de repenser le praticable de l’analyse et d’envisager les remaniements de l’élaboration conceptuelle qui s’imposent du fait de l’expérience est à la fois courageuse, originale et risquée. Cela me plaît.

Que convient-il d’appeler encore psychanalyse ? N’y a-t-il pas lieu, n’est-il pas temps, de distinguer la psychanalyse héritée de Freud, déjà bien ré-interprétée dans sa pratique et dans ses concepts, au bout de 20 ans environ, par Freud lui-même, puis par Ferenczi, Winnicott, Dolto ou Lacan (pour ceux dont je fréquente les textes) et d'autres modalités et formes d’analyse, issues de la psychanalyse. Il y a de la place pour l’invention, ce que Michel Galasse fait généreusement, notamment dans le registre du sentir avec. Sentir avec est consentir à ce qui vient et se vit entre les partenaires de la relation. Des émotions, des images, des sensations, des pensées et des paroles affleurent en nous quand nous écoutons le discours d’un patient, quand nous accompagnons ce dernier.

« Je me sens analyste ferenczien » dit-il dans son premier ouvrage. Ce qui est encore accentué dans le titre, frayages et praticables, après Ferenczi. Cela me fait associer à l’une des dernières paroles de Lacan à Caracas : « Vous, vous êtes lacaniens, moi, je suis freudien. » Pour ce qui me concerne, je me situe dans l’héritage de Freud, qui a inventé la psychanalyse, mais je ne me sens nullement l’âme d’accoler à ma pratique le moindre qualificatif. On a souvent voulu me désigner de lacanien. La fidélité à une source n’est pas la copie d’un modèle, ni l’exactitude d’un message, ni l’imitation nostalgique d’un passé révolu.

Je partage son émouvant et vibrant hommage à Sandor Ferenczi, et son fervent rappel relatif à la « sensorialité partagée », ressentir sans confondre. Son éloge passionné de Ferenczi, l’un des grands méconnus – avec Dolto – me touche, mais rencontre également les limites de toute passion. Je suis moi-même issu d’une ville dont la devise de l’une de ses célèbres usines était : « rien ne se fait bien sans passion ».

Le cadre, c’est le désir de l’analyste, et non l’encadrement du dispositif. Pour ce qui me concerne, j’ai du mal à encadrer l’encadrement du crédit fait à la parole. Nous n’avons d’autres limites que celles de la parole qui nous fonde, et ce, sous toutes les formes que prend la parole, jamais sans corps, pour nous tenir en ses bras. Il convient de penser radicalement une autre dialectique que celle du cadre et de l’objet. Convient-il de conserver encore le terme de cadre ? À quoi ouvre l’analyse ? À certainement autre chose qu’à une limitation à la contenance, mais elle s’épanouit davantage en une Portance (cf. Spirale, N° 46, juin 2008), par référence au désir du praticien, car le désir est à l’œuvre constamment.

Ce n’est pas tant un retour au contact, mais c'est que, dans le contact, les sources nous reviennent. Je pense là au magnifique poème Retour de Hölderlin. Ce retour est en fait une invention. Un retour avant dirait Rimbaud. Je suis bien d’accord avec l’auteur sur la dissymétrie des places et la possibilité de « s’y mouvoir librement ». Comme le disait Georges Braque, l’espace pictural est « visuel, manuel, tactile ». Le terme d’espace me paraît plus juste. Nicolas de Staël écrivait : « L’espace pictural est un mur mais tous les oiseaux du monde y volent librement – à toutes profondeurs ». À toute profondeur, oui. Une poétique de la relation thérapeutique reste à développer, au sens où, comme Michel Galasse le rappelle, les voies du parcours de la symbolisation sont plurielles.

En revanche, je dirais que le néo-sujet n’existe pas. Il y a un sujet à nouveau mu par le désir à nouveau mis ou remis sur le métier. Le néo-sujet est un terme de la modernité s’enfermant dans la nécessité du néo pour recouvrir et forclore la question des fondements symboliques. De même, la formule l’inconscient pulsionnel ne me paraît pas très sûre. Je ne sais pas… Cette expression, me semble-t-il, risque de gommer l’enjeu : comment représenter, comment se représentent, sur la scène psychique, les éléments corporels ? Réponse de Freud, par le représentant-représentation – avec l’intraduisible afférent à  ce Vorstellungsrepräsentanz.

C’est le corps entier qui est esprit (Rosenberg). Nous avons du mal à sortir des rapports disjonctifs de l’âme et du corps, du psychique et du somatique – car ils sont liés l’un à l’autre. Freud a inventé, à cet endroit-là, le concept de pulsion, éminemment fécond dans l’abord de notre pratique (Métapsychologie). Comment, en effet, représenter ce qui est du corps sur la scène psychique ? Dans la mesure où l’on ne peut représenter le corps par le corps, nous sommes contraints de passer par la dimension de la représentation psychique et signifiante, ce que Françoise Dolto a tenté de renouveler par le concept d’image inconsciente du corps. Michel Galasse le sent dans la définition des transitions corporelles qu’il nous donne.

C’est dans la mise à l’épreuve de la rencontre en vérité, que l’analysant - on peut user d’autres termes -, en vient à prendre confiance et à se risquer à déployer ses compulsions, ses fantasmes, les traits et les aléas de sa sexualité (pas seulement infantile), les traumas subis… Il importe de ne pas confondre la venue à son enfance – du côté du thérapeute comme de celui du patient – se faisant par la rencontre de l’enfant que je fus, avec l’infantile, fait de l’imaginaire des enfantillages des « verts paradis enfantins » (Baudelaire). Je distingue l’enfance et l’infantile. On ne peut qu’être d’accord avec l’auteur sur le fait que le contact fait travailler la participation rythmique. L’écoute multisensorielle, celle du respir et du souffle, fait vibrer et résonner du pulsatile. Dans la médecine chinoise, le praticien vous prend les pouls. Quand j’écoute un psychanalyste ou un psychothérapeute me parler de son travail, je suis très attentionné au placement de son souffle et à l’ouverture de sa base réceptive et de présence. On écoute avec le souffle. On écoute sur le souffle.  L’expérience du contact traverse et interprète l’idée que l’on en a. Le contact est apaisant quand il est consenti, car il permet de renouer avec un rythme basal perturbé, dans l’ombilication à un autre qui, par la suite, sera perdu, comme le placenta initial.

L’auteur écrit : « J’ai de plus en plus de gestes spontanés et simplement humains qui ouvrent le dialogue, ce peut-être un regard appuyé, un ton de la voix, une main tendue. » Écrire cela est tout à fait paradoxal, mais certainement utile à rappeler. Comment pourrait-on exercer notre métier en cessant d’être simplement humain ? C’est pourtant, au nom du cadre et de la sacro-sainte neutralité, ce qui se passe. Il faut reconnaître que là, les psychanalystes sont plutôt coincés, trop souvent distants et absents. Je parlerais de la main donnée, quitte à y mettre la dimension d'une alliance symbolique et celle du pacte, dans la parole donnée, donnée dans cette main, ce main-tenant. Lalangue de contact dit combien parler est dans le contact. Combien le contact a lieu dans le milieu de la parole. Combien le contact est parole portée par lalangue sensorielle, alliage de mots et de chairs mêlés – dans la distinction des sujets. Sujet brûlant que le contact.

C’est que la transition soutenue de paroles, en ce que nous sommes des êtres humains, et non des bœufs, est le tiers construit de ce praticable. Praticable est un beau mot, pas si pratique à manier, mais d’expérience. Les descriptions que Michel Galasse donne du sien témoignent de sa manière de travailler. Ce n’est pas si fréquent. De la reconnaissance des erreurs, errements et errances, il tire enseignements et leçons. Nous nous fourvoyons tous, et même avec l’expérience, nous ne sommes jamais à l’abri d’une position fausse, d’un propos blessant ou d’une action délétère. Avec Lucie et les autres personnes dont il relate le trajet, il a le courage, et la noblesse, de nous confier ce qu’il fait.

Le contact prend acte de la répétition, mais il innove aussi. Chacun rejoint répétitivement des éléments de sa vie, mais contacte également la nouveauté qui surgit et s’accueille. Ne serait-ce que celle de n’avoir jamais été touché de la sorte, et pas seulement métaphoriquement, concrètement, de fait. Nous avons à sortir la dimension du contact du rapport à un objet pour l’établir dans la parole et le recevoir en elle, dans lalangue de contact. Sinon, ce ne serait que toucher à une chose ou à un objet partiel – opération essentielle et vitalement nécessaire – qui nous ferait toutefois oublier qu’il y va d’un contact avec l’Autre, un Autre au sein duquel le contact trouve son site et son lieu d’être et d’exercice. J’insiste sur la répétition et sur la nouveauté. Nous prenons le risque qu’un autre soit contacté et se contacte par nous, comme par personne d’autre jusqu’à ce jour. Il y va d’une mise au monde de soi-même autre dans le berceau du contact. Pour les deux protagonistes. Il y va d’un enjeu de reconnaissance où laisser l’autre s’exprimer jusqu’à ce point où le désir de reconnaissance s’épuisant, cet autre, notre frère ou sœur en humanité,  trouve son accomplissement de sujet dans la reconnaissance du désir.

Le livre de M. Galasse est une œuvre qui débute, c’est-à-dire qui cherche et tâtonne. Cette œuvre va dans le sens d’élaborer une réflexion qui témoigne de la dimension conceptuelle issue d’une praxis. Il y a dans cet ouvrage les prémices d’une métapsychologie à venir et à naître, en attente de formulations personnelles.

Il y a certainement différentes manières d’intégrer le corps dans l’analyse, de le reconnaître comme partie prenante du transfert. Y a-t-il jamais un sujet sans corps ? Respirer par la blessure. Le poète aura toujours une mesure d’avance sur nous. C’est pourquoi nous sommes à son écoute. Je partage avec l’auteur, cette intime conviction selon laquelle certaines personnes ne reprendront contact vivifiant avec leur histoire et ne pourront vivre que dans un contact, quelle que soit la nature réelle, imaginaire ou symbolique du toucher et de ses modalités. Le toucher donne corps au sujet dans le contact. Rythme.

Le livre est vivant et jette des bases, passerelles et ponts vers des horizons revisités. Découvrir la portée du contact, c’est faire œuvre d’invention, dans les transitions corporelles reconnues et assumées. Transition est passage. Passage d’un registre, d’un état à un autre. Passage par une voie. Conjugaison aussi en grammaire.

Joël Clerget

dimanche 18 septembre 2011

Colloque international à Tallinn, les 25 et 26 novembre 2011

Dans le cadre du colloque international intitulé Corps dans l'espace, espaces du corps, les 25 et 26 novembre 2011, co-organisé par les Universités de Tallinn (Estonie), de Helsinki et de Oulu (Finlande), je ferai un exposé sur Les corps flottants : des ateliers du geste aux transitions corporelles.

En voici l'argument:
Sandor Ferenczi, aux premières heures de la psychanalyse, a ouvert de nouveaux champs d’exploration impliquant les corps dans le dispositif freudien, notamment au travers de ses techniques actives et de relaxation. Ce que je propose aujourd’hui comme « praticable » néo-ferenczien en psychothérapie individuelle, ce sont des transitions corporelles qui étayent, alignent et verticalisent le corps-sujet de l’analysant, qui l’ouvrent, qui le mettent en mouvement et parfois en transe, qui le font émerger à de nouveaux modes de présence existentielle. C’est un travail de transitions frontalières et d’associations libres entre phrases verbales et phrases corporelles, en réponse aux troubles terribles des sujets borderlines.
            Dans le praticable de groupe que je nomme Ateliers du Geste, les corps sont d’abord mus et éprouvés. Ils s'osent à du contact-improvisation, à la danse primitive, ils respirent et sont immergés dans des situations insolites, voire saugrenues où ils ont à composer à partir de leur savoir-être intuitif et énactif.
            Nos corps sont des conseillers compétents et savent depuis toujours rencontrer le monde, aussi bien le monde alentour que le monde interne du sujet. La créativité y est l’outil principal. Ainsi, Marie-Cécile qui peint dans l’après-coup de chaque séance à transitions corporelles, l’intériorité de son corps en connexion avec ma main. Ainsi, les îles-corps qui viennent après des sculptures sur le vif…
            Inspirés par les arts contemporains, que ce soit la danse contemporaine ou le travail de la photo-plasticienne belgo-allemande Ulrike Bolenz, mais aussi par des pratiques traditionnelles millénaires comme le Tai chi chuan et l’acupressure, les deux « praticables » proposés peuvent être considérés comme des thérapies  bien contemporaines.

Quant à l'argument général du colloque :

CORPS DANS L’ESPACE. ESPACES DU CORPS
Interagir dans/avec le monde
Colloque international bilingue (français & anglais)
Université de Tallinn (Estonie)
en collaboration avec les Universités de Helsinki et de Oulu (Finlande)
Les 25-26 novembre 2011
C’est par l’intermédiaire du corps que l’homme existe et qu’il peut entrer en relation avec le monde, les autres et l’espace, prendre place au sein d’un groupe social, engager des processus d’identification, de représentation, de mise en valeur de soi, etc. C’est pourquoi la thématique du corps suscite depuis longtemps un intérêt de plus en plus grand dans la pensée collective et a vu proliférer, ces dernières années, des recherches menées aussi bien dans les sciences exactes (clonage, insémination artificielle, prothèse, santé et prolongement de la vie) et dans les sciences humaines et sociales (identité, altérité, interaction, consommation, éthique, etc.) que dans la mise en regard des deux autour de thèmes transversaux. De fait, l’univers du corps possède des connotations qui peuvent être très variées selon le point de vue qu’on adopte pour l’étudier (psychothérapie, anthropologie, philosophie, religion, biologie, sociologie, sémiotique, pour ne citer que quelques domaines).
Quoi qu’il en soit, le corps ne peut pas être extrapolé du contexte social et culturel où il se situe et à partir duquel il est perçu, ni de l’évolution historique de sa conceptualisation et sa perception. On sait très bien que les perceptions du corps physique sont fortement influencées par les expériences vécues à l’intérieur d’un corps social et culturel donné (par exemple, Douglas). De ce point de vue, le corps peut être pensé comme une frontière (social skin de Turner ou moi-peau de Anzieu, etc.) entre deux autres entités ‘plus amples’ qui sont l’individu (et son identité) et l’espace dans lequel il s’inscrit et avec lequel il interagit. Pour le dire avec Le Breton « toute relation de l'homme au monde implique la médiation du corps ». Sémiotiquement parlant, on peut dire qu’espace et corps (ou monde et sujet, leurs alter ego consubstantiels) ne sont pas des entités déjà données en soi, séparément l’une de l’autre : elles ne se définissent et ne sont susceptibles d’interprétation sinon à travers leur interaction, leur mise en relation. D’une part, les corps s’inscrivent dans l’espace et participent à sa construction (en le dessinant, le délinéant, le découpant, ou voulant s`effacer, etc.) ; de l’autre, le dispositif même de l’espace se manifeste en termes d’adjuvant ou d’opposant aux intentions de mouvement et d’existence des corps (par des cloisonnements, des bifurcations, des objets interposés, des trajectoires imposées, des seuils à franchir ou à éviter et, en somme, des ‘manipulations’ de toutes sortes). Compte tenu des changements significatifs dans le tissu social dus aux apports de nouvelles technologies (technologies de communication, médicales, etc.), on observe de nouvelles configurations de corps et espaces en train de naître, particulièrement intéressantes à observer et étudier. C’est pourquoi, dans ce colloque, nous nous proposons de revenir à la relation primaire qui s’établit entre le corps et l’espace et de penser le corps comme étant l’intermédiaire de deux types de spatialité possible : (i) les corps comme entités du monde ‘situées’ dans l’espace ; (ii) les ‘espaces’ intrinsèques du corps lui-même.
(i) Les corps comme entités du monde ‘situées’ dans l’espace
Du point de vue de l’inscription du corps dans l’espace, plusieurs directions de recherche peuvent être envisagées. Nous en citons quelques unes sans vouloir donner des priorités ni être exhaustifs : 1) le corps comme objet qui exerce un pouvoir sur l’espace (en le cloisonnant, le délimitant, le délinéant, lui donnant une orientation, en en extrapolant les élément retenus essentiels et nécessaires, bref en le ‘narrativisant’ et en lui donnant un sens (cf. par exemple les corps dans les mondes virtuels) ; 2) le corps vu ou décrit comme s’il était un paysage ou le paysage vu ou décrit comme s’il était un corps ; 3) le corps comme moyen de communication avec le monde (le corps artistique, le corps qui danse, le corps exposé au regard, le corps dans la publicité, etc.) ; 4) le corps comme réservoir infini de représentations, de signes et de symboles interprétables suivant les sociétés et les époques de référence ; 5) le corps comme moyen de perception de l’espace ; 6) les rapports entre l’espace visuel, l’espace perçu et l’espace vécu par le corps ; 7) la distinction et l’interaction entre une spatialité de position (le lieu, l'entendue, la localisation du corps dans l'espace) et une spatialité de situation (engagement du corps dans l'action) ; 8) le corps comme élément d’ensemble qui se donne en tant que figure de seuil (de frontière, de barrière, d’interposition) par rapport à l’espace ; etc.
(ii) les ‘espaces’ intrinsèques du corps lui-même
Le corps peut être vu et perçu lui-même comme un espace intégral ou que l’on peut découper en des parties pouvant acquérir une fonction métonymique (ayant un rapport de contiguïté étroite avec quelque entité qui caractérise son propriétaire) ou métaphorique (par exemple, l’écrivain est, avant tout, une tête qui pense, qui imagine, qui réfléchit). De ce point de vue, on peut proposer d’autres pistes de recherche, encore une fois sans les saturer : 1) le corps comme élément de perception objectivée ou subjectivée de son propre ‘Moi’ (comme, par exemple, dans le cas de la maladie, dans laquelle une partie du corps devient un véritable espace en soi, un espace ‘autre’) ; 2) le corps comme espace qu’on peut façonner à son gré par des manipulations corporelles de toutes sortes (piercings, tatouages, chirurgie esthétique, scarification, implant corporel, etc.) lesquelles peuvent avoir une fonction esthétique prédominante mais aussi donner lieu aux réinterprétations postmodernes ; 3) le corps comme siège d’une mémoire sensorielle (comme le corps torturé des camps de concentration, lequel garde inscrit à jamais la souffrance qu’autrement la mémoire risquerait de perdre) ; 4) le corps comme espace d’interface par rapport à d’autres espaces (corps malade dans un hôpital, corps réduit à ses fonctions organiques dans les camps de concentration, etc.) ; 5) le corps conçu comme forme de construction architectonique (body building, etc.) ou décrit comme matériel de construction (un « cœur de pierre », un « visage impénétrable », des « jambes molles », etc.) ; 6) le corps comme espace d’observation de l’extérieur (corps montré ou caché, exposé, déformé, etc.) et qu’on peut lire et interpréter symboliquement (corps religieux, corps mortifié, martyrisé ou, au contraire, exalté, hyper-valorisé, etc.) ; etc.
De toute évidence, les deux dimensions ne peuvent pas être complètement séparées l’une de l’autre de la même manière que le corps construit par l´expérience ne peut pas être séparé du corps physiologique. Les thématiques transversales comme présence/absence ; mobilité/statisme ; visio-spatial ; phénoménologique ; physique/virtuel ; subjectif/objectif, etc. ouvrent des pistes extrêmement riches que nous invitons à explorer.
Etant donné l’ampleur de la thématique, ce colloque est conçu comme un lieu de rencontres et de discussions interdisciplinaires. Les participants sont invités à laisser interagir librement les perspectives et les pistes de recherche proposées avec les méthodologies et les instruments qu’ils considèrent comme les plus adéquats à leurs fins. On invite ainsi les participants à utiliser des modèles d’analyse et des réflexions qui proviennent de disciplines aussi différentes que l’anthropologie du corps, la sociologie, la linguistique, la psychosomatique, la philosophie, la biologie, la sémiotique textuelle et la sémiotique de la culture (entre autres).
Organisation :
L’Institut des Langues et Cultures Germaniques et Romanes de l’Université de Tallinn en collaboration avec les Universités de Helsinki et de Oulu.
Comité d’organisation :
Sabine Kraenker (Université de Helsinki)
Aleksandra Ljalikova (Université de Tallinn)
Xavier Martin (Université de Oulu)
Licia Taverna (Université de Tallinn)
Comité scientifique:
Bernard Andrieu (Université Henri Poincaré - Nancy Université)
David Le Breton (Université de Strasbourg)
Fred Dervin (Universités de Turku, de Eastern Finlande et de Helsinki)
Stefano Montes (Universités de Tallinn et de Palerme)
Ulla Tuomarla (Université de Helsinki)
Informations pratiques :
Date limite de soumission des propositions : 10 septembre 2011 Clos!
Résumé de la proposition : 250-300 mots.
Langues de travail : français et anglais.
Durée des communications : 30 minutes (20 minutes + 10 minutes pour les questions)
Publication : un recueil thématique est prévu en 2012 suite à une évaluation anonyme (peer-review) effectuée par un comité scientifique international.
Frais d’inscription :
01.07-01.10 – early bird registration 50 eur ; étudiants, doctorants 30 eur
Après le 01.10- inscription 70 eur ; étudiants, doctorants 50 eur
Paiement:
Destinataire: Tallinna Ülikool
Adresse: Narva mnt. 25, 10120, Tallinn, Estonia
Références : S09001 Colloque Corps/espaces + NOM
Banque: AS SEB Pank
Adresse: Tornimäe 2, 15010 Tallinn, Estonia
Compte: 10002006943007
VAT: EE100251335
IBAN: EE071010002006943007
SWIFT: EEUHEE2x
L’inscription et la soumission des propositions de communication se fait en ligne : www.tlu.ee/colloque2011
Contact :
Aleksandra Ljalikova (alexa@tlu.ee) et Licia Taverna (licia.taverna@tiscalinet.it)
Questions pratiques (inscriptions, attestations, informations pratiques, etc.) :
Heidi Võsu-Tatter (langues@tlu.ee)
Site de référence :

samedi 20 août 2011

Les corps analystes

La sortie de mon second ouvrage Les corps analystes. Mouvement et travail corporel en psychanalyse est prévue pour février 2012, chez DANGLES. Plus qu'une suite des Transitions corporelles dans l'analyse, paru chez Fabert en 2008, c'est du véritable déploiement du praticable qu'il s'agit, et ce aussi bien dans le colloque singulier que dans le dispositif de groupe. Les Ateliers du Geste y sont présentés comme une thérapie contemporaine par le groupe. Les ateliers sont largement inspirés par les transitions corporelles, elle-mêmes en résonnance particulière avec les arts contemporains. Pour exemple dans le livre, la manière dont l'oeuvre de la photoplasticienne belgo-allemande Ulrike Bolenz a inspiré des transitions frontalières pour travailler avec des patients borderlines. Dans l'Atelier du Geste, les corps en participation renforce le champ énergétique et cela rend possibles autant de rencontres insolites avec l'étranger en soi.
L'une des idées maîtresses du livre tourne autour de la transe, jusqu'à penser toute analyse à transitions corporelles comme une forme de trans(e)analyse. De tout temps, les humains ont recours aux transes. Actuellement, beaucoup de transes modernes sont sauvages et dangereuses, échappant à tout contrôle. Comme le souligne fort justement Catherine Clément, l'auteur du très beau livre L'appel de la transe, une transe ne s'ouvre sur la métamorphose de l'existence et n'est thérapeutique que si elle est soigneusement surveillée, régulée, ritualisée. Chevaucher les frontières et forcer les passages ne se fait qu'avec discipline. L'auteur évoque d'ailleurs une discipline de la frayeur qui rend possible le frayage de nouvelles voies de subjectivation. Dans Les corps analystes, nous proposons des éclipses éphémères et transitionnelles comme autant de transgressions créatives qui ouvrent plus largement la conscience corporelle. Qu'elles prennent appui sur le contact, le mouvement, la posture, la respiration ou les quatre à la fois, elles im-pliquent les corps analystes et leur permettent de congresser, régresser, transgresser et progresser ensemble en toute sécurité.
Comme cela fut dit au Congrès szondien de Nice, est-ce parce que l'homme n'a pas de centre qu'il est sans cesse poussé du côté du contact, du sexuel ou du paroxysmal, cherchant à s'éclipser puis à s'envelopper de tous côtés ? Marc Ledoux évoquait le concept de biose chez Von Weiszacker, cette force de l'étranger en soi, et proposait de retourner la formule freudienne pour qu'elle devienne Là où j'étais, ça doit advenir. C'est bien ce que la trans(e)analyse propose: faire confiance à l'improvisation des corps-sujets.


Dans l'effervescence de l'instant transi et tremblé, quelque chose se réanime et se dompte, se troue et s'initie, de nouveaux sentiers sont ouverts à l'existence du sujet. L'épreuve corporelle est celle de la secousse ou de l'étourdissement puis de l'apaisement: corps et monde s'y rencontrent, mêlent leurs textures.